L’école du (retour vers le) futur

Aujourd’hui le président de la République Emmanuel Macron, accompagné de son nouveau ministre de l’Education, se sont rendus à Marseille pour mettre en avant le plan « Ecole du futur ». A la lumière des idées portées en son temps par Taylor, cette note de blog s’interroge sur un futur qui ressemble tellement au passé.

C’est son projeeeeeeet :

L’école du futur qu’Emmanuel Macron a commencé à expérimenter l’an dernier à Marseille et dont l’actuel ministre vient de reprendre le dossier repose sur une arme puissante dans l’arsenal du néolibéralisme : le projet, qui conditionnera à la fois le financement des établissements et le recrutement des professionnels. La notion de « projet » symbolise à elle seule l’avènement du Nouveau Management Public dans les années 90. Il est l’instrument pernicieux d’un capitalisme renouvelé pénétrant l’administration publique et petit à petit aussi les modes de vies de chacun.e d’entre nous. Ne sommes-nous pas toutes et tous enjoints à réaliser nos « projet » ? L’entreprise bien entendu, mais aussi le jeune, le chômeur, le CA d’une association, la personne en situation de handicap …. Celui ou celle qui ne fait pas de projets ne risque pas de rester sur le bord du chemin d’une société du progrès et de l’épanouissement personnel? Les écoles n’échappent pas au dictat du projet et chaque établissement doit en compter son lot : projet de classe, projet d’apprentissages, projet de sorties … tous accompagnés de tableaux Excel et de leurs protocoles de remplissages aux noms commençants par « P » (PPRE, PPI, PPS, PAI … ). Et dans la famille des projets qui nécessitent « concertations » entre « partenaires » il y a le grand-père : le projet d’école, donc on comprend aujourd’hui comment il a été le cheval de Troie du néolibéralisme dans l’Education Nationale.

C’est le projet qui est évalué, et dans « l’école du futur » c’est lui qui déterminera les moyens alloués aux écoles et le profil des enseignant.e.s qui pourront y postuler. Par l’intermédiaire du projet d’école, l’exercice du métier enseignant subit encore un peu plus de coercition.

L’OSTE n’est pas le futur

Tout le monde l’a bien compris à Marseille aujourd’hui, Pap Ndiaye emboitera les pas de son prédécesseur dans la logique d’une Organisation Scientifique du Travail Enseignant comme l’avait imaginée Taylor il y a un siècle. Sa première carte a été jouée dans la cité phocéenne en utilisant une vieille recette libérale consistant à conditionner l’octroi de moyens humains et matériel en fonction d’un projet. Le ministre actionne aussi un levier puissant pour contraindre les pratiques pédagogiques, briser la culture professionnelle et mettre le métier en jachère. Les vieilles recettes de Taylor sont alors remises au goût du jour.

Tout d’abord, le pouvoir donné aux directeurs et directrices, iels même sélectionné.e.s pour leur engagement dans le projet, renforce le rôle de contremaître qui leur est désormais alloué et dont nous avons déjà parlé dans une précédente notre de blog. Garant.e.s de la bonne évaluation du projet d’école, iels auront la tâche de s’assurer que chaque membre de l’équipe ne mettra pas en péril un éventuel financement. Et de contraindre encore un peu l’activité de travail de professeur.e.s des écoles prolétarisé.e.s.

En inversant le processus de financement, conditionné à la rédaction d’un projet validé par la hiérarchie et dont on établit en amont des critères d’évaluations et de réussites, chaque établissement devient une mini-entreprise, en concurrence avec les autres écoles du secteur. Il faudra « innover » dans l’écriture du projet d’école et ensuite réaliser ses objectifs. Chaque équipe pourra alors s’organiser comme elle l’entend, sous « l’autorité fonctionnelle » de la direction d’école, du moment qu’à la fin la case « objectifs atteints » soit cochée. C’est ce que « l’école du futur » dit dans ces termes : « donner d’avantage de liberté et d’autonomie aux équipes ». Oui un peu comme dans les usines Toyota dans les années 70, avec les résultats que l’on connait sur la santé des salarié.e.s .

Définitivement l’école du futur d’Emmanuel Macron et Pap Ndiaye use des recettes du passé. Des recettes qui ont d’abord maturé dans le cerveau d’un ingénieur au début du 19° siècle et qui ont depuis maturées dans le secteur marchand où règnent les exigences de rentabilité, de compétitivité, de productivité. Le rêve des libéraux de faire pénétrer ces exigences dans la fonction publique devient petit à petit réalité dans une école qui n’a rien de futuriste. Sauf si pour Macron le futur doit ressembler aux Temps Modernes décrits par Chaplin !    

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